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Photoshop un formidable outil de manipulation d’images
Créé en 1988 par Thomas et John Knoll, Photoshop permet de manipuler les images matricielles. Il est devenu LE standard de l’industrie, aucun autre produit ne lui arrive à la cheville.
Je l’utilise depuis la version 2.5, c’est à dire depuis plus de vingt ans, malgré ma passion pour les logiciels libres. C’est ainsi, j’ai trop de savoir-faire et d’automatismes pour arriver à m’en défaire. J’ai bien essayé The Gimp, mais je n’arrive pas à m’y faire.
Les médias n’arrivent pas non plus à s’en passer, et pour cause : avec Photoshop on peut laisser libre cours à son imagination. De la manipulation de photos à la création artistique (le « digital painting » ), tout est possible. Il sait tout faire, et les extensions (appelées « plugins » ) sont légion.
Sa notoriété est telle que « photoshoper » est devenu un verbe, il signifie « Retoucher une image grâce à Photoshop ou un quelconque logiciel de traitement d’image ».
La mauvaise utilisation de Photoshop
Photoshop a mauvaise réputation ces dernières années. Les médias nous vendent du rêve, et Photoshop y contribue dans la presse publiée, au format papier ou sur internet, et sur les affiches qui parsèment les murs de nos villes.
Particulièrement dans les publicités, on nous présente des créatures de rêve (les modèles) dans des mondes irréels, fabriqués de toutes pièces. Pour vendre un parfum, des vêtements, des voyages, les mannequins et actrices parfaites nous toisent de leur supériorité : leur peau est parfaite, leurs yeux sont grands et lumineux, leurs proportions sont divines. Elles ont des poses provocantes, elles sont si sexy, certaines dévoilent même presque un sein dans des photos à la connotation « porno-chic ».
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.— Charles Baudelaire, L’invitation au voyage.
Le fameux poëte ne croyait pas si bien dire !
Les médias nous rabâchent une imagerie déformée : impossible d’y échapper dans les journaux, sur les murs. Les femmes dans les publicités sont parfaites, et les femmes que nous aimons, celles que nous croisons, finissent par avoir un sentiment d’infériorité. Les hommes habitués à des muses sans failles se retournent soudain, et regardent leur chérie avec tous ses défauts, et rêvent aussi de perfection qu’ils n’auront pas à la maison.
Les femmes « ordinaires » poursuivent alors un rêve, et sont prêtes à beaucoup de sacrifices pour nous plaire, à nous les hommes. Maquillage, mode, régimes pour être plus minces, c’est une course sans fin, car ces modèles de référence n’existent pas vraiment !
Le phénomène s’est même étendu à certains hommes : la publicité les pousse eux aussi à utiliser des crèmes de soin, à s’habiller mieux. Je pense particulièrement aux dernières victimes de la mode, les « métrosexuels », autrefois aussi appelés « minets » dans les années 1970 ou « mods » dans les années 1960.
Que reprocher exactement à Photoshop ?
En fait, Photoshop n’y est pour rien : il n’est que l’outil utilisé pour véhiculer une certaine image, c’est l’arme à feu des médias meurtriers.
Photoshop « améliore » l’apparence
Prenons l’exemple concret d’une star internationale : Madonna. Elle est proche de la soixantaine, et n’a plus son corps et son visage de jeune fille. Alors, quand elle pose pour une séance photo, on assiste à ça :
Discutable ? Peut-être. Mais soyons réalistes : la photo de gauche montre une femme âgée habillée comme une jeunette, pas très appétissante avec ses poches sous les yeux et sa peau fripée (c’est ce que penseront la plupart des gens).
Photoshop peut effectivement accomplir des merveilles, et transformer un vilain petit canard en poupée Barbie... mais où est l’intérêt si on ne reconnaît pas l’originale ?
Le « trop » est l’ennemi du bien
Mais cela peut aller trop loin : l’habitude aidant, les publicitaires ne discernent plus où s’arrêter. Une femme déjà très belle ne le sera jamais assez pour eux, il faut qu’elle soit parfaite !
Meaghan Kausman s’est plaint sur internet du traitement que l’on avait fait subir à son image : elle est déjà fine, mais ce n’était pas assez pour Fella Swim pour qui elle avait posé. Vous serez d’accord avec moi qu’il n’y avait pas besoin de retoucher son corps...
La question des mannequins « plus size » est épineuse : les marques nous présentent des femmes normales (tailles 38 à 42) en les étiquetant comme hors-norme. Ils sont effectivement hors-norme... pour les médias !
Les jeux vidéo ne sont pas en reste avec depuis toujours des modèles aux proportions alléchantes pour les mâles. Bon d’accord, ce mannequin n’a pas été retouché, mais Barbarian a marqué son époque avec cette jaquette.
Et il en va ainsi pour la majorité des photographies que l’on nous sert dans les médias. Faisons comme si vous ne le saviez pas déjà : les créatures de rêve que vous voyez dans les médias n’existent pas !!!
La preuve en images
- Une chevelure de rêve
Personne n’a autant de cheveux ! Cette image, très bien retouchée, permet de voir que certains motifs sont réutilisés pour créer de nouvelles mèches.
- Une peau de pêche
Sans imperfections, les modèles deviennent des mannequins en cire. Cindy Crawford, plus toute jeune, nous en fait la démonstration.
- Une silhouette d’enfer
On affine les membres, on creuse la taille, on supprime les bourrelets inutiles... tout est bon pour paraître plus mince. Fait étrange, la poitrine de Lady Gaga a été... réduite sur cette photo retouchée !
Les dégâts collatéraux
Des millions de femmes (une proportion moindre d’hommes) sont atteintes dans le monde dans leurs fondements par toute cette imagerie. A force de voir ces modèles irréels, elles poursuivent l’impossible.
Voici les effets communément produits :
- Les jeunes filles n’ont pas de repères réels
Les enfant sont aussi victimes de la tyrannie de l’image : voici une très jeune fille qui se prend pour une grande ! Source : inconnue
Les enfants et les jeunes femmes, très connectées à internet, n’ont pas le même jugement qu’une adulte. Elles peuvent donc prendre pour argent comptant ce qu’on leur présente sous un jour idyllique, et tentent même de le reproduire.
Cette perte de repère conduit à des comportements décalés, et potentiellement dangereux aussi bien pour la santé que pour le mental.
- Course à la maigreur
Les modèles femmes sont 25% plus maigres que la moyenne. Le monde de la mode prône les mannequins décharnés, et ce pour une simple raison : les mannequins ne sont que des « cintres » qui doivent porter des vêtements, et plus elles sont filiformes, moins les habits forment de plis disgracieux, et surtout ils « tombent » bien sur le corps.
La répétition amène les femmes à considérer les corps des mannequins comme une « norme », et cherchent donc à leur ressembler. Elles peuvent alors se lancer dans des régimes alimentaires, qui sont peu efficaces pour la plupart. On assiste souvent à une masse corporelle « en yo-yo » : le corps se rebelle contre tous ces mauvais traitements, et essaie de reprendre du poids dès que le régime est terminé.
- Troubles alimentaires
A la limite de la maladie mentale, des comportements de boulimie ou d’anorexie peuvent apparaître. Certaines femmes vont jusqu’à se faire vomir pour ne pas garder ce qu’elles ont mangé.
- Prise de médicaments
Pour accompagner les régimes, des médicaments miracles peuvent être ingérés, soit pour faire fondre la silhouette, soit pour couper l’appétit. Plus ou moins contrôlés, les effets sont souvent dévastateurs sur la santé.
- Dépression et maladies mentales
Le mal-être des femmes face à leur apparence 🄯 bykst
Les femmes qui n’arrivent pas à atteindre leur idéal physique ou assumer leur corps se retrouvent souvent en état de dépression, voire pire : des maladies mentales comme l’agoraphobie (le fait de ne plus vouloir sortir et se retrouver avec les autres) peuvent apparaître. Des femmes à l’apparence normale peuvent se persuader qu’elles ne le sont pas, se trouvent des défauts imaginaires, cela s’appelle la « dysmorphie corporelle ».
- Chirurgie cosmétique
Les progrès de la chirurgie moderne font que tout ou presque est possible. Des femmes souvent en bonne santé, aux formes corporelles normales, peuvent « sauter le pas » et modifier leur apparence selon leurs envies ou leurs complexes : augmentation mammaire, modifications du visage (nez, lèvres, rides, etc), et même retrait des tissus adipeux (la graisse).
Certains cas extrêmes font froid dans le dos. En Asie surtout, des jeune femmes peuvent souffrir le martyre pendant des mois pour se faire allonger les jambes de quelques centimètres. En Afrique, beaucoup de femmes risquent d’abîmer leur peau définitivement en essayant de la blanchir à tout prix. Toujours en Asie, certaines se font débrider les yeux.
Nous avons enfin les cas où des femmes ne peuvent plus s’arrêter : croyant pouvoir toujours faire mieux, elles enchaînent les chirurgies et finissent pas dénaturer complètement leur corps et leur visage, au risque de ne plus paraître du tout naturelles - certaines en deviennent même quasiment monstrueuses.
La faute à qui ?
Les torts sont partagés comme nous allons le voir.
When you point your finger cos’ your plan fell through
You got three more fingers pointing back at you
— Dire Straits, Solid rock.
Tout d’abord, le monde de la mode. Les mannequins à la maigreur extrême y sont légion, forcées par leurs employeurs à atteindre des poids ridicules pour correspondre à une norme erronée qui n’est pas celle de la vraie vie.
Ensuite, les médias : soit parce qu’ils suivent le monde de la mode, soit parce qu’ils veulent vous vendre leurs produits, ils véhiculent une imagerie décalée de la réalité.
Les photographes professionnels prennent des clichés commandités par les acteurs cités ci-dessus, et sont donc « forcés » de suivre le rythme imposé par les autres. Les photographes amateurs (dont je fais partie) essaient souvent de singer ce que font les « pros », influencés tout comme les autres par une industrie sans scrupules (j’essaie pour ma part de ne pas la suivre)
Enfin, vous les femmes victimes de la mode et de la publicité, de ce que veulent les hommes (influencés eux aussi par les médias), vous vous laissez faire et ne savez pas vous rebeller, reprendre ce qui vous appartient : votre image et votre féminité.
La riposte
Des voix s’élèvent partout, tentant d’inverser les tendances imposées. Photoshop est l’outil pointé du doigt, alors qu’il n’est pas la cause.
- Il a été question d’instaurer par la loi une signalisation sur les contenus publiés, donnant de manière codée (par des couleurs par exemple) un indice de retouche d’une photographie.
- Un député français (Olivier Véran) a proposé en 2015 d’interdire de podium les mannequins trop maigres. L’Espagne et l’Italie sont en avance sur la France, eux ont déjà voté des lois dans ce sens.
- Des campagnes menées sur internet essaient de faire prendre conscience, souvent avec humour, que la retouche photographique c’est « mal ».
- Des actrices et célébrités font sporadiquement entendre leur voix pour protester contre les mauvais traitements photographiques qu’on leur fait subir. En voici un florilège parmi d’autres sur le site de 20minutes.
- Des marques sont régulièrement pointées du doigt, comme Victoria’s Secret. Le mouvement « I’m no angel » a malheureusement été lancé par... une autre marque, Lane Bryant, qui vend des vêtements pour femmes « plus-size ». Une récupération honteuse !
Le mot final d’
Vous l’aurez remarqué, il n’a finalement été que très peu question de Photoshop dans cet article, et c’est un parti-pris de ma part : je considère que l’outil n’est pas responsable des mauvais comportements des industries qui ne cherchent finalement qu’à vendre leurs produits, et ce à n’importe quel prix, y compris la santé physique et mentale des femmes de tous les jours.
Pour ma part, j’essaie d’utiliser Photoshop intelligemment, et avec mesure : pas d’amaigrissement, le moins possible de retouches sur la peau, je prends par contre parfois la liberté de maquiller virtuellement certains modèles (surtout pour faire ressortir leurs yeux). Je me laisse tout de même un peu déborder par moi-même de temps en temps, et contemple plus tard avec stupeur une photo qui finalement ne me convient pas car trop retouchée, alors je reviens en arrière.
Mais vous, les victimes, avez votre mot à dire. Rebellez-vous mesdames et mesdemoiselles, réappropriez-vous vos corps, vos âmes ! Sachez être belles sans vous torturer - sans bien entendu partir vers l’autre extrême, ce qui serait tout aussi inapproprié que ce que les médias vous font subir.
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Nicki Minaj